Auteur(s)
François Grünewald
Concept porteur ou mot à la mode : les enjeux de la résilience
En 1999, dans notre rapport sur la famine au Bar El Ghazal au sud Soudan, le mot « résilience » soulevait des interrogations. Ce concept tiré du monde médical, qui décrivait la capacité des individus à encaisser et à survivre aux chocs de la vie, s’appliquait pourtant aux conditions de survie des habitants des grands marais de la dépression nilotique au Sud Soudan, un des environnements les plus agressifs que l’on puisse imaginer. Ce concept de résilience s’applique aussi aux interventions humanitaires, qui, dans l’exemple sud Soudan, sont très fragiles, dépendantes de la présence des expatriés, de la sécurité et des autorisations de vol donnés par Khartoum.
2012, c’est maintenant le « dernier concept à la mode ». Avec l’importance stratégique que lui donnent le DFID ou la Commissaire européenne Kristalina Georgieva (les initiatives dans la Corne de l’Afrique et au Sahel), il a gagné un droit de présence presque obligatoire dans les discours. Le projet de recherche RESILIENCE, lancé en 2009 (CARE Hollande, Groupe URD et Université de Wageningen) nous a amené à clarifier les enjeux derrière ce mot : la résilience, ou la capacité des systèmes à encaisser les chocs et à se reconstruire après, est, au final, la résultante d’une large palette de phénomènes, dans lesquels l’aide internationale peut s’engager : anticipation des changements (risques climatiques, évolutions économiques, démographiques, technologiques), prévention et réduction des risques, renforcement des capacités de réponse ou choix stratégiques de développement (adaptation aux changements climatiques, lutte contre la pauvreté). Mais cette résilience est sous tension, comme l’attestent les crises des systèmes agro-pastoraux au Sahel ou les modalités de guerre urbaine rendant de plus en plus difficile l’accès aux soins, à l’eau, à l’alimentation et à l’énergie. On le constate aujourd’hui tous les jours, pour la survie des populations sous les bombes à Homs.
Concept à la mode ? Tant mieux. Reste à voir comment il est utilisé, en espérant qu’un nouveau « mot tendance » ne le chassera pas trop vite.