Auteur(s)

Pierre Bastid

Dans cette optique, le CCFD-Terre Solidaire s’appuie depuis plus de soixante ans sur les OSC de tous les pays pour mener à bien ses actions. Une approche de la localisation de l’aide – appelée « logique partenariale » au sein de l’institution – qui repose sur les trois principes suivants :

  • Une confiance réciproque basée sur une interconnaissance de long terme (souvent dix ans ou plus) ;
  • Des initiatives et des projets montés et proposés par les partenaires locaux eux-mêmes qui définissent des stratégies d’intervention adaptées, contextualisées et ancrées dans le territoire ;
  • Un accompagnement du CCFD- Terre Solidaire pour une définition (en termes de moyens humains et/ou financiers et/ou matériels et/ou de formation) réaliste, pérenne et répondant aux ambitions du partenaire local.

Le CCFD-Terre Solidaire assume pleinement son rôle d’intermédiation entre les réalités locales et les acteurs (notamment économiques, bailleurs / donateurs, mais aussi les bénévoles et la base sociale de notre organisation), et ce d’autant plus que c’est également le rapport entre « ici » et « là-bas » qui se joue dans ce partenariat local. En effet, une localisation de l’aide qui se traduit uniquement par la délocalisation des guichets de financement sans implication dans la définition, la gestion et le suivi des initiatives terrain comporte des préalables (qui peuvent se transformer en risques importants) :

  • S’assurer de soutenir une diversité d’acteurs sur place (nécessaire au changement social et à l’impact), c’est-à-dire éviter de focaliser les financements uniquement sur des OSC locales capables de répondre à un appel à projet, connaissant les logiques bailleurs de mise en concurrence, etc. S’assurer de cette diversité en soutenant également les OSC plus « petites » et parfois tout autant – voire plus – militantes ;
  • Assurer un accompagnement dans la durée et tout au long du projet, un œil extérieur bienveillant (empreint de confiance) permettant d’identifier et de trouver des solutions ensemble aux réalités du terrain ou organisationnel. Cet accompagnement permet notamment de former les OSC aux cadres et exigences bailleurs (lutte anti-blanchiment, risques fiduciaires, avance de trésorerie…) ;
  • Attention à ne pas mettre en péril certaines OSC du fait de leur modèle économique pas toujours compatible avec les processus (parfois lents) des bailleurs, ce qui peut mener certaines OSC à la banqueroute (besoin d’avances de trésorerie par exemple…) ;
  • Éviter de transformer les OSC locales en « prestataires » de service de l’aide internationale. Cela dénaturerait leur positionnement d’acteurs de changement, de lanceurs d’alerte et de militants ;
  • Appuyer la vie associative des OSC locales qui leur permet d’exister, de décider et de planifier de façon démocratique et participative.

Pour limiter ces risques, le CCFD-Terre Solidaire se place en intermédiaire, ce qui lui permet de :

  • Donner une place prépondérante aux OSC locales (face, parfois, à des OSI disposant de moyens disproportionnés par rapport aux leurs) dans la gouvernance des projets et sur les territoires ;
  • Appuyer et renforcer les capacités des acteurs locaux afin de garantir une pérennité de la vie citoyenne et associative, ainsi que de permettre la montée en compétences de ces acteurs pour assurer leur autonomie ;
  • Faciliter la gestion de la trésorerie et assumer la gestion des risques (avance de trésorerie, réponse aux exigences bailleurs, lutte contre le blanchiment et financement du terrorisme…), mais aussi de limiter l’impact de la bureaucratisation de l’aide internationale qui pousse parfois les OSC locales à toujours plus de procédures au détriment de l’action concrète.

En conclusion, l’objectif de cette approche est donc bien d’adopter une logique « acteurs qui mènent des actions (pour un changement sur leur territoire) » plutôt qu’une logique uniquement « action » / « projet » avec des fonds fléchés ne prenant pas en compte la vie associative locale. Et si cette logique « acteurs » demande une interconnaissance de long terme, elle repose sur une confiance solide qui permet le « pair-à-pair », ce que nous appelons la réciprocité. Soit une forme bien concrète de solidarité.

 

Pierre Bastid est responsable du service Appuis & Financements Institutionnels au CCFD-Terre Solidaire

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p. 32-34