Bien que le sujet ait été exploré depuis de nombreuses années et que les mouvements autour des guerres de décolonisation aient largement influencé les acteurs et les pratiques de l’aide au développement, force est de constater que persistent des inégalités très fortes de pouvoir entre les acteurs du ‘Nord global’ (pour beaucoup anciennes puissances colonisatrices) et ceux du ‘Sud global’ (souvent d’anciens pays colonisés) ; et cette asymétrie semble inhérente à l’architecture de l’aide1 

On assiste cependant aujourd’hui à une transformation profonde des équilibres internationaux – sur fond de perte d’influence de l’occident – qui impacte directement les contextes d’intervention et les capacités d’action des acteurs de l’aide2. L’aide au développement est questionnée dans ses fondamentaux et rejetée par certains acteurs au motif qu’elle masquerait des intérêts et maintiendrait une relation de domination. Les ruptures de coopération entre certains pays du Sahel et la France de ces dernières années illustrent bien ces dynamiques en cours et leurs impacts directs sur les acteurs de l’aide et leurs partenaires.  

Pourtant, « Bien que les rencontres internationales et programmes régionaux se multiplient [autour de la décolonisation de l’aide], ils sont majoritairement concentrés dans l’espace anglo-saxon et la représentation des pays d’Afrique francophone y demeure faible »3. Au-delà de la faible représentation de l’Afrique francophone, c’est l’implication des acteurs francophones de l’aide internationale qui nous semble manquer dans le débat, pour le nourrir de ses réflexions et points de vue particuliers. 

L’objectif des Universités d’automne de l’humanitaire (UAH) 2024 est donc d’ouvrir un espace de réflexion commun et collaboratif pour les acteurs francophones afin d’explorer les questions liées à l’histoire et à la matérialité de la colonialité4 de l’aide internationale et aux déséquilibres de pouvoir qui en découlent. L’ambition poursuivie est de questionner l’héritage colonial et d’explorer ensemble les voies possibles pour œuvrer à la décolonisation de l’aide internationale, en envisageant les prochaines étapes à considérer pour concevoir et construire le changement en prenant en compte les responsabilités institutionnelles et notre rôle individuel dans ce processus.

 

Réalisé dans le cadre du projet « Apprendre et innover face aux crises », avec le soutien de l’Agence française de développement, la Fondation de France, la Région Auvergne-Rhônes-Alpes & la Principauté de Monaco.

Liste des intervenant.e.s :

  • Aïcha Koraichi, Présidente d’Action Contre la Faim France
  • Bertrand Taithe, Professeur à l’Université de Manchester
  • Dosso Ibrahim, consultant-formateur, réseau Disrupt Development
  • El Hadj Souleymane Gassama, journaliste à RFI, chercheur à l’IRIS et écrivain (à confirmer)
  • Jimm Chick Fomunjong, chef du département de la gestion des connaissances et de la communication chez West African Civil Society Institute (WACSI) (en ligne)
  • Maïka Sonderjee, Professeure adjointe à l’Université d’Ottawa (en ligne)
  • Ylva Berg, accompagnatrice chez Resilience Movement

 

D’autres intervenant.e.s vont venir s’ajouter dans les semaines à venir.

  1. Peace Direct (2021). Time to decolonize aid. London, UK. https://www.peacedirect.org/wp-content/uploads/2023/09/PD-Decolonising-Aid_Second-Edition.pdf
  2. Les membres de Coordination Sud ont ainsi décidé de travailler sur « Quelles capacités d’agir pour les ONG occidentales dans un monde qui se multipolarise », étude portée par ONGLab et mise en œuvre par Kayros et dont les résultats seront publiés à l’automne 2025.
  3. WACSI (2023). Décolonisation de l’aide: perspectives de la société civile d’Afrique sub-saharienne francophoneAccra, Ghana.
  4. La colonialité consiste en l’articulation planétaire d’un système de pouvoir “occidental” […] (qui) se fonde sur une infériorisation prétendument naturelle des lieux, des groupes humains, des savoirs et des subjectivités non occidentales ». Escobar, A., Restrepo, E. (2009). Anthropologies hégémoniques et colonialité. Cahiers Des Amériques Latines, (62), 83-95