Contexte

Alors que l‘aide internationale vise à porter assistance aux populations vulnérables, les ONG opèrent encore souvent selon des mécanismes qui génèrent changements climatiques et dégradations environnementales qui affectent en premier lieu les plus démuni.e.s. C’est pourquoi, à l’instar de la société en générale, les ONG doivent se transformer pour rester cohérentes avec leur engagement à “ne pas nuire” et ce, dans un contexte d’urgence climatique engendrant de plus en plus de crises humanitaires.
Conscient de ces problématiques, le secteur de l’aide internationale est ainsi récemment entré dans une phase d’engagements, à travers la déclaration d’engagement des organisations humanitaires sur le climat, signée par 10 ONG françaises lors de la Conférence Nationale Humanitaire à Paris en décembre 2020, et plus largement à travers la charte climat, portée depuis mai 2021 par le CICR et la FICR, et déjà signée par plus de 195 organisations à travers le monde.

 

Un accélérateur de changement

Ambitieuse mais cohérente avec les recommandations du GIEC, la déclaration d’engagement des organisations humanitaires sur le climat comprend des objectifs chiffrés de réduction d’émissions de gaz à effet de serre : -30% d’ici 2025 et -50% d’ici 2030. Elle témoigne d’une volonté forte de s’attaquer aux enjeux climatiques et environnementaux- non seulement à travers les programmes mis en œuvre mais également au sein même des structures.

 

Une dynamique multiforme

D’un côté, chaque ONG signataire s’est engagée dans un processus interne pour définir le chemin lui permettant de tenir l’objectif affiché, en fonction de son identité et son histoire, son mode d’organisation et de fonctionnement, les types d’actions menées et son potentiel d’évolution. De l’autre, des synergies émergent : les ONG partagent leurs réflexions, se fédèrent autour d’initiatives conjointes afin d’optimiser les ressources à disposition et de mieux se coordonner avec l’ensemble des acteurs du secteur.

 

Mesurer pour réduire

Afin d’assurer le pilotage de la trajectoire de réduction des émissions, il fallait se donner les moyens de mesurer les émissions de gaz à effet de serre, directes et indirectes (scope 3 inclus). C’est pourquoi en 2021, 7 des 10 signataires ont décidé de former un consortium afin de se doter d’un outil bilan carbone harmonisé d’ici 2022 (les trois autres ayant déjà des outils jugés satisfaisants ou des outils en cours de développement).

 

Préciser les engagements

En identifiant les postes d’émissions principaux et leurs ordres de grandeur, un bilan carbone dresse un tableau de situation sur lequel chaque ONG pourra s’appuyer pour modéliser sa trajectoire de réduction, en précisant sa date de référence et la nature exacte de la réduction (celle-ci pouvant être définie en valeur absolue ou par rapport à son budget annuel).

 

Des actions de réduction des émissions complémentaires

Certaines ONG ont également commencé à intégrer des actions environnementales, dans leurs programmes, bureaux, procédures voire documents de stratégie. Les ONG sensibilisent aussi leurs employé.e.s, et parfois leurs partenaires. Par ailleurs, depuis 2021, plusieurs ONG sont en train de tester des outils de mesure de l’impact environnemental dans leurs programmes, tels que le NEAT+1, Sustain42 ou des outils internes. Enfin, certaines solarisent leurs bureaux, intègrent des conditionnalités environnementales dans les procédures d’achats ou bannissent les plastiques à usage unique.

 

Difficultés et besoins

L’urgence climatique et environnementale, nécessiterait bien sûr d’aller plus vite et de travailler sur tous les fronts en parallèle mais les ONG sont confrontées à trois contraintes. La première est qu’elles ne disposent pas des ressources suffisantes (humaines, matérielles, financières) pour s’engager franchement dans cette évolution sensible de leurs pratiques, alors même que le nombre personnes ayant besoin d’aide humanitaire atteint un niveau record en 2022. La seconde est qu’elles sont confrontées à des temporalités qui ne permettent pas toujours la prise en compte du temps long (urgence des crises humanitaires, calendriers et procédures des projets et des bailleurs). La troisième est qu’elles manquent encore d’outils (base de données de facteurs d’émissions consolidée, guides méthodologiques), ou de solutions (sur les marchés locaux, ou pour réduire les émissions indirectes, etc.). Elles doivent en outre considérer les différentes problématiques environnementales de manière holistique (par exemple, fournir du pompage solaire pour éviter des émissions de gaz à effet de serre mais sans épuiser la nappe phréatique) et parfois arbitrer entre elles (pour éviter la déforestation, faut-il fournir aux populations du gaz de pétrole de liquéfié et émettre ainsi des gaz à effet de serre ?) -, en ayant toujours comme objectif premier de répondre aux besoins vitaux des populations qu’elles assistent.

Pour répondre à l’ambition écologique souhaitée par l’ensemble du secteur, les ONG ont donc besoin d’appui, à commencer par un appui financier dédié pour pouvoir investir aussi bien dans les ressources humaines que dans les moyens techniques. Il apparaît aussi nécessaire que les bailleurs révisent leurs procédures de sélection de projets et de fournisseurs en incluant des conditionnalités environnementales. Enfin, il est évident qu’une meilleure considération des acteurs locaux et de leurs rôles dans les mécanismes de solidarités constitue une des chevilles ouvrières de la transformation écologique du secteur.

 

Pour conclure

Alors que les ONG mutualisent leurs forces pour relever ce défi, les ONG signataires risquent de rester impuissantes si elles ne sont pas accompagnées par l’ensemble des acteurs du secteur. Aussi la signature de cette déclaration d’engagement constitue une prise de risque assumée et courageuse dans le but d’envoyer un signal de mobilisation fort, à l’ensemble de leurs équipes d’abord, mais plus largement à la communauté de l’aide internationale. Nous devons poursuivre notre engagement et la mobilisation pour accompagner cette transformation. Ensemble, nous nous devons de rassembler, d’inspirer nos pairs, nos partenaires et nos bailleurs, et d’agir de concert pour un changement positif vers le respect de l’environnement.

  1. Nexus Environmental Assessment Tool est un outil de projet, développé par la Joint Environnement Unit, qui permet d’identifier rapidement les problématiques environnementales d’une intervention dans une zone donnée et qui propose des mesures pour y répondre.
  2. Sustain4 est un outil, développé par la boîte éponyme, qui permet de mesurer l’impact environnemental selon 5 critères : consommation en énergie, eau, papier, gestion des déchets et transports